Place du marché

Êtes-vous valeur ou croissance ?

Préférez-vous les valeurs sous-évaluées, voire délaissées, ou les titres qui croissent plus rapidement que le marché ? Valeur ou croissance ? Vos choix d’investissement trahissent probablement votre âge et votre sexe.

Warren Buffett a accrédité le modèle « valeur » en faisant de Berkshire, sa société de portefeuille, la cinquième plus grosse entreprise au monde. « Que ce soit pour mes bas ou mes actions (socks or stocks), j’aime acheter de la marchandise de qualité quand c’est en solde », se targue l’investisseur mythique.

Le style « valeur » cible en effet des sociétés ayant une excellente gestion et un bon historique de données financières, mais dont le potentiel n’a pas encore été découvert par le marché. Achetées à un prix d’aubaine, ces actions sont conservées jusqu’à ce qu’elles aient atteint leur plein potentiel d’appréciation. De nombreuses études ont démontré la supériorité de cette approche sur le long terme.

Le modèle « croissance » a aussi fait la fortune de grands investisseurs. L’objectif est d’investir dans des entreprises qui ne sont pas nécessairement rentables et n’ont pas forcément un historique de données financières, mais sont sur une belle lancée. Il s’agit souvent de titres de nouvelles technologies. Selon une étude de Merrill Lynch portant sur les résultats de 30 stratégies de sélection des actions, la recherche de la croissance a été plus payante que la quête de « valeur » de 1985 à 2001.

STYLES ET MODE

Une étude récente démontre un lien fort entre les caractéristiques sociales et financières d’un ménage et son style d’investissement. Il s’agit d’une enquête basée sur des millions de données socioéconomiques et financières provenant de ménages suédois, entre 1999 et 2007. Et comme on le sait, nous avons plus en commun avec eux que les bibliothèques d’IKEA.

D’après les trois auteurs, dont Sebastien Betermier, de l’Université McGill, les valeurs dites de substance sont privilégiées par les ménages ayant une base financière et immobilière plus importante, affichant un endettement plus limité et un salaire moins exposé aux risques. Ces titres relativement peu chers sont d’ailleurs davantage appréciés par les femmes. 

Inversement, l’investisseur de croissance est généralement un homme, entrepreneur et disposant d’un bon niveau de formation.

Les auteurs de cet article démontrent également que le choix d’un style d’investissement ne découle pas de bonne ou mauvaise expérience passée. On aurait pu imaginer qu’un investisseur échaudé par l’éclatement de la bulle techno se garderait loin des titres affichant des croissances exponentielles. Que nenni !

Les effets de mode ne comptent pas plus dans le style. Bien sûr, les ménages suédois sont attirés par les actions dont on parle beaucoup et détiennent généralement quelques titres en vogue dans leur portefeuille. Mais l’étude montre que ces actions « à la mode » peuvent aussi bien être appréciées pour leur bas prix que pour leur croissance.

On remarque par contre que les préférences des ménages évoluent avec la maturité financière. Les investisseurs tendent vers des titres « valeur » lorsque leur richesse progresse et que leur endettement recule, mais aussi lorsqu’ils prennent de l’âge, démontre l’étude révélée par Sylvain Frochaux, directeur de la recherche chez Straight from The Lab.

Grâce à la taille impressionnante de leur base de données, les auteurs sont même parvenus à comparer les choix de jumeaux en matière boursière. Ils ont ainsi pu éliminer le facteur génétique dans le choix d’un style d’investissement.

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